À l’origine, le BIM (modélisation des données du bâtiment) et ses rôles étaient presque toujours associés exclusivement à l’équipe de conception. Mais quand on regarde de plus près l’histoire et l’évolution du BIM, les récits de ces cinquante dernières années tendent à indiquer que c’est dans le domaine de la gestion de projets que le BIM connaît sa principale application à long terme (Organisation nationale des spécifications du bâtiment, 2015).
Depuis les années 80, les concepteurs utilisent la première forme de modélisation des données du bâtiment et de conception assistée par ordinateur (Building Information Modelling ou BIM). Par contre, du fait de la conceptualisation et de l’évolution des définitions du BIM, son but ultime et son plus grand avantage résident dans la réalisation d’un projet collaboratif.
Le BIM en chiffres
Au cours des dernières années, le BIM a suscité beaucoup d’attention, mais il y a encore du chemin à faire avant de pouvoir affirmer que le secteur de la construction tire pleinement profit de son utilisation.
Darren Smith, conseiller en solutions de construction numériques à l’Electrical Contractors’ Association,, a révélé des chiffres et statistiques très intéressants concernant les rapports du secteur avec la modélisation des données de la construction :
- 69 % des membres de l’ECA ayant participé à l’enquête Building Engineering Business (2018) ont admis ne jamais avoir pris part à un projet BIM.
- Parmi ceux ayant travaillé avec le BIM, 24 % l’avaient fait pendant une durée maximum de trois mois.
En ce qui concerne le nombre de firmes ayant travaillé sur des projets BIM, que c’est très peu. Plus particulièrement :
- Environ 4 % des organisations interrogées ont travaillé avec le BIM sur 25 à 49 % de leurs projets.
- Dans le même temps, un maximum de 2 % ont introduit le BIM pour 50 à 74 % de leurs projets.
- Enfin, seulement 1 % des firmes ayant participé à l’enquête ont adopté le BIM dans 75 % de leurs projets.
De façon assez intéressante, ces chiffres ne sont en fait pas si mauvais, sachant que les entrepreneurs électriciens semblent avoir une longueur d’avance sur les autres secteurs de l’industrie de la construction, d’après Darren Smith.
Cela indique que la construction dispose encore d’une marge de progrès importante et augure de meilleurs résultats si les acteurs décident d’adopter une approche plus proactive à l’égard du BIM. Ainsi, ils seront en mesure d’’expérimenter directement quelques-uns des :
- Une réduction de l’ordre de 33 % des coûts de construction et du cycle de vie du projet.
- Une diminution du cycle de vie du projet, du commencement à l’achèvement, d’environ 50 %.
- Des économies importantes en ce qui concerne les matériaux utilisés au cours du processus de construction.
- Des améliorations en matière de santé et de sécurité.
- Une réduction du risque et une prévisibilité beaucoup plus importante au cours du processus de construction.
- Moins de fragmentation et une meilleure circulation des informations tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Il apparaît alors clairement que la contribution de la modélisation des données du bâtiment à la construction peut être à des niveaux multiples et permettre au secteur de combattre le manque de productivité, les taux élevés de remaniement et les marges négatives.
Mais à quoi ressemble l’introduction du BIM dans le cycle de vie d’un projet ? Dans la suite de cet article, nous nous intéressons au sujet et dévoilons l’impact du BIM sur la collaboration et la communication entre le chantier et le bureau.
Le BIM dans le cycle du projet
Le Comité américain de normalisation BIM a défini le BIM comme:
“Une représentation numérique des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un site. Un BIM est une source de connaissances partagée concernant un site qui constitue une base fiable pour la prise de décisions au cours de son cycle de vie, de la conception à la démolition.
Un principe fondamental du BIM est la collaboration des différents acteurs au niveau des diverses phases du cycle de vie d’un site afin d’insérer, extraire, actualiser ou modifier l’information dans le BIM et soutenir et refléter les rôles de cet acteur”.
Le comité mentionne également qu’en pratique, le BIM représente de nombreuses choses en fonction de la perspective:
- Pour un projet, le rôle du BIM est la gestion d’informations. Le BIM correspond aux données amenées et partagées par les participants au projet — en fait, le BIM est l’information correcte communiquée à la bonne personne au bon moment.
- Pour les participants à un projet, le BIM est un processus interopérable pour la livraison du projet. Le BIM définit la manière dont les équipes respectives travaillent et combien d’équipes travaillent ensemble pour conceptualiser, concevoir, construire et exploiter un projet ou un site.
- Pour l’équipe de design, le BIM représente le design intégré. Le BIM fournit des solutions technologiques, promeut la créativité, assure un feed-back et responsabilise l’équipe.
La modélisation moderne de données de construction intègre toutes les informations pertinentes et spécifications relatives au projet et fournit aux équipes de projet des données précises quant au(x):
- Coût de l’ensemble du cycle de vie d’un projet.
- Problèmes anticipés de “constructibilité”, y compris l’emplacement des services.
- Contraintes de programmations.
Étant donné que différents membres de l’équipe de conception s’attaquent à des tâches spécifiques à diverses étapes du cycle de vie d’un projet, le besoin d’une gestion globale continue du projet à toutes les étapes devient impératif. Ces deux dernières années au moins, le secteur de la construction a assisté à une migration vers une méthode de travail avec base de données plus intégrée à partir d’un environnement reposant sur des documents.
Conventionnellement, le modèle géométrique et le logiciel de planification constituaient deux bases de données séparées. Avec la venue du, les deux sont désormais intégrés. Pour exploiter le BIM au maximum et en tirer tous les avantages, le gestionnaire de projet doit comprendre et utiliser parfaitement l’information BIM.
À présent, comme les gestionnaires de projet travaillent avec des données automatisées et ont la capacité de voir les relations au sein d’un projet, les données du bâtiment peuvent être utilisées pour gérer les processus et prendre de meilleures décisions en fonction d’informations fiables qui peuvent être exécutées à un stade précoce.
BIM et collaboration
Se profilant davantage comme un outil d’information et de collaboration au travail, le BIM gagne en importance parce qu’il facilite la communication et fournit une plate-forme à partir de laquelle tout le monde peut travailler (par rapport au maintien traditionnel d’informations, d’idées et de plans séparés). Comme le souligne Macdonald,:
“On estime que les pratiques de travail collaboratives où tous les membres de l’équipe de conception sont engagés à un stade précoce dans le processus de design, aidés par les outils BIM, permettront d’économiser au moins 10% du coût associé aux projets de conception-construction traditionnels (Egan, 1998 and Allen Consulting Group, 2010)”.
Le BIM modifie considérablement la pratique de gestion de projets. Il s’intéresse principalement à:
- La coordination
- L’estimation de temps et de coût
- La programmation
- L’approvisionnement
- La contribution à la conception pendant les différentes étapes, par exemple les sous-traitants sur le chantier
Fort de ces caractéristiques, le BIM s’intègre parfaitement dans le processus ou la méthode . L’IPD, tel que le définit l’Institut américain d’architectes, est:
“Une approche de réalisation de projet qui intègre les gens, les systèmes, les structures d’entreprise et les pratiques dans un processus qui rassemble de manière collaborative les talents et idées de tous les participants afin d’optimiser les résultats du projet, d’augmenter la valeur à l’égard du propriétaire, de réduire les déchets et de maximiser l’efficacité à travers toutes les phases de la conception, de la fabrication et de la construction.”
Comment le travail de réalisation d’un projet structuré fonctionne-t-il?
L’IPD est un modèle de réalisation de projet émergent destiné à créer un environnement coopératif et collaboratif à travers l’utilisation d’un système multipartite entre le propriétaire, les designers, le contractant, les sous-traitants et d’autres métiers essentiels.
L’IPD a été formulé comme une solution permettant de réduire le risque de dépassement de coût pendant la construction d’un projet et de prédire l’ensemble du coût du cycle de vie d’un bien (projet d’infrastructure). Le secteur américain de la construction s’est développé en privilégiant l’utilisation de l’IPD dans les projets.
L’équipe de projet IPD consiste en un accord multipartite entre:
- Le propriétaire
- Le contractant
- Les concepteurs
- Le gestionnaire des installations
- Les principaux métiers (mécanique, électricité, incendie et plomberie)
Tous les principaux acteurs ont un rapport contractuel entre eux et ils ont des obligations exécutoires entre eux concernant (Stirton, 2015):
- La propriété et la licence des droits intellectuels
- La confidentialité
- La responsabilité, tant entre eux qu’envers les tiers
- L’assurance
- Les méthodes de résolution de conflit
Les équipes de projet IPD sont formées à la phase conceptuelle d’un projet et chacun des acteurs travaille en symbiose pour réaliser un “bien construit” dans le BIM avant de poursuivre la construction. L’IPD prescrit l’utilisation du BIM ou de plates-formes d’environnement collaboratives qui permettent aux équipes de projet IPD de travailler entre elles pour résoudre aisément les problèmes de “constructibilité” ou les risques imprévus qui pourraient survenir pendant la phase de construction.
L’utilisation de l’IPD exige un changement dans l’approche de réalisation du projet — les propriétaires sont obligés de consacrer davantage de temps et de dépenses plus tôt (comparativement au modèle de réalisation, conception et construction traditionnel).
Toutefois, cet investissement anticipé signifie que les problèmes de conception ont déjà été résolus avant le début de la construction, les alternatives de conception et coûts correspondants ont été explorés au préalable avec les équipes de construction, et par conséquent, un planning de construction et des coûts bien plus fiables ont été établis (Stirton, 2015).
Réalisation de projet structuré et BIM
L’ notait l’interrelation de l’IPD et du BIM et pourquoi ils vont parfaitement dans les projets de construction (Ashcraft, 2008):
Il faut savoir que la réalisation de projet structuré et la modélisation de données de bâtiment (BIM) sont des concepts différents — le premier est un processus et le second un outil. Certains projets intégrés se font sans BIM tandis que le BIM est utilisé dans des processus non intégrés. Toutefois, les avantages potentiels maximaux de l’IPD et du BIM s’obtiennent uniquement lorsqu’ils sont utilisés conjointement.
Le BIM et l’IPD se complètent en améliorant la gestion du projet par un échange accru de données et la coopération entre les acteurs, ce qui (Stirton, 2015):
- Réduit les risques de défauts et de rectification;
- Réduit les déchets de matériaux;
- Limite les problèmes pendant la construction.
L’IPD est le processus qui catalyse les parties afin de partager aisément les idées, les informations et la propriété intellectuelle (Stirton, 2015). Associer cela au BIM participe à une réalisation effective et efficace pendant tout le cycle de vie du projet. Ce système élimine mentalement le “nous et eux” parce que tous les acteurs doivent partager une propriété intellectuelle protégée pour réaliser le projet.
La méthodologie IPD-BIM autorise une flexibilité en cas de circonstances imprévues. Par exemple, la rénovation du bâtiment fédéral à Portland, Oregon. Un gros problème de conception est apparu pendant la construction et la façade ouest a dû être reconstruite en 7 semaines. L’équipe du projet a respecté le délai parce que tous les acteurs au projet s’étaient investis à parts égales dans le projet, sans que chacun ne cherche à protéger ses intérêts personnels.
Les rôles du BIM dans un cycle IPD
Il y a huit phases dans la réalisation d’un projet structuré dans lesquelles le BIM joue un rôle crucial:
- Conceptualisation (programmation)
- Conception des critères (conception schématique)
- Conception détaillée (développement de la conception)
- Mise en œuvre de la phase des documents (documents de construction)
- Examen par l’agence
- Rachat
- Construction (administration des contrats)
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Au cours de ces huit phases, les rôles du BIM peuvent être regroupés en sept domaines ():
- Prise de décision: La diminution des mauvaises décisions de conception à l’aide des modèles et outils BIM pendant la conception et la construction permet d’améliorer nettement la prise de décision.
- Documentation des contrats: Par la réduction du niveau d’inconnues dans les documents de contrat et la maximisation du BIM pour rétablir la précision et améliorer la cognition de la construction et la compréhension de l’ensemble par tous les participants au projet, on améliore la documentation des contrats.
- Estimation de préconstruction: La réduction du niveau d’approximation et d’inefficacité en maximisant les schémas de conception générés pendant le processus BIM améliore l’estimation de préconception. Cela inclut également l’optimisation de l’utilisation de multiples modèles d’établissement des prix par le contractant et la réutilisation comme modèles numériques as-built sur les nouveaux marchés.
- Approvisionnement et planification: La refonte de l’approvisionnement et de la planification de projet grâce à l’emploi de modèles de délai et de coût (BIM 4D/5D) élimine les arrêts de production sur chantier et améliore la coordination, le chevauchement et le phasage des métiers.
- Coordination: La réduction du nombre d’erreurs de coordination sur chantier en intégrant les modèles de la conception principale très tôt dans le processus et en utilisant le logiciel de détection de conflits pour faciliter la coordination de conception interdisciplinaire résout les problèmes de coordination virtuellement plutôt que sur le terrain.
- Rentabilité: La réduction de l’impact sur les coûts des erreurs de coordination, d’une fabrication incorrecte et d’une mauvaise installation en adoptant un processus de travail prédéfini du concepteur au sous-traitant et en mettant en œuvre une précision d’installation supérieure améliore considérablement la rentabilité. L’utilisation du BIM dans le modèle IPD réduit également l’utilisation des heures supplémentaires et les dépenses générales, d’assurance et de coûts de portage en optimisant les calendriers de projet, ce qui accélère la construction.
- Documents de clôture: La migration vers une approche axée sur le BIM de tous les documents du projet basculant les documents de clôture traditionnels en exemplaires numériques permet au propriétaire du projet/à l’opérateur de continuer à utiliser les documents de la phase de design et de construction jusqu’à la gestion d’installations et la gestion globale du cycle de vie du bâtiment.
Les données sont la valeur centrale du BIM
Le BIM peut jouer un rôle décisif dans l’enrichissement du flux de données provenant du projet au cours de la phase de construction. Néanmoins, un modèle BIM est indissociable des données qui y sont ajoutées. En ce sens, il n’est pas exagéré d’affirmer que les données sont la valeur centrale du BIM et que l’adoption du numérique est un facteur essentiel pour la réussite d’un projet.
Les données sont un élément vital pour la normalisation du processus de construction et l’élaboration de résultats qui peuvent être reproduits de façon cohérente dans le futur. Par exemple, être en mesure de mettre en rapport les processus de qualité et de conformité au modèle BIM peut être très utiles pour définir les processus de qualité sur le chantier entre les différentes équipes et améliorer la documentation de la version finale des projets.
Définir un certain ensemble de classifications internes est également très important. De nombreuses entreprises font face à des difficultés récurrentes dues à l’absence d’un protocole systématique pour leur suivi sur le chantier. Ceci peut avoir un impact énorme sur les contrôles de qualité ainsi que sur la santé et la sécurité des ouvriers.
En cartographiant les classes d’objets et en les associant à des tâches planifiées spécifiques, les checklists, formulaires et membres des équipes peuvent garantir que les processus sont normalisés et automatisés afin d’alléger la charge de travail sur le chantier. Et avec chaque tâche effectuée et vérifiée au préalable, les données de terrain retournent au modèle.
Il semble évident que la grande difficulté pour le secteur de la construction est de placer le BIM entre les mains des ouvriers sur le terrain. Pour y parvenir, chaque organisation a besoin d’outils numériques simples à utiliser qui permettront au personnel sur le chantier de soumettre leurs données de terrain et de garder le modèle BIM bien informé.
Après tout, les ouvriers sur le terrain et les responsables du BIM ont des besoins complètement différents en ce qui concerne le type d’informations dont ils ont besoin. Une représentation 2D à jour peut parfaitement faire l’affaire pour les ouvriers car elle leur permet de se concentrer uniquement sur les données qu’il leur faut. Cette simplicité permet de garder toute confusion à l’écart du processus de rapport d’avancement et d’encourager les personnes à numériser leurs activités au quotidien.
Sans aucun doute, stimuler l’adoption du numérique est la première étape vers un environnement uniforme des données où tous les intervenants du projet restent sur la même longueur d’onde et échangent les informations importantes en temps réel.
De cette façon, les équipes du projet peuvent, en toute facilité, être en harmonie et organiser leurs systèmes et processus dans un environnement axé sur les données afin de mieux communiquer, collecter davantage de données et rétablir une certaine confiance entre les différentes équipes du projet.
Conclusion
Le BIM est un outil technique précieux qui est parfaitement capable de fournir des avantages significatifs en termes d’économies de coût, de temps et de productivité globale. Pour tirer le potentiel maximal du BIM, il doit être utilisé de manière collaborative par tous les acteurs principaux au travers d’une formule contractuelle basée sur la relation, comme l’IPD (Stirton, 2015).